Les pieds nus d'Elena traînaient paresseusement dans l'herbe trop verte. Elle était vêtue très légèrement, la chaleur du soleil étant amplifiée à l'excès par un nouveau mélange, une boisson cette fois, qu'elle avait testé une demi-heure auparavant. Une agréable sensation de douceur s'était répandue dans tout son corps, la réchauffant peu à peu. Pour profiter de ce répit qui lui était accordé, elle n'avait pas hésité à sécher un cours de Métamorphose, que les Poufsouffles avaient en commun ce jour-là avec les Serpentards, pour profiter du Parc tant qu'il en était encore temps. Elle avait donc revêtu une jupe longue écarlate, fendue sur les deux côtés à partir de mi-cuisses ; et chacun de ses pas dévoilait les délicats entrelacs, peints au henné, qui enlaçaient sa cheville puis montait en arabesques brunes jusqu'à sa hanche gauche. Pour le haut, elle avait fait plus simple, choisissant une parure sombre aux longues manches évasées qui mettaient en valeur ses poignets trop fins. La jeune fille, sans raison particulière, aimait se parer de manière recherchée.
Elle s'arrêta à l’orée de la Forêt Interdite, se penchant vers un coin ombré, et observa longuement l’une des fleur qui poussaient là. Ses pétales indigo exhalaient une odeur à la fois douce et entêtante, une odeur que l’on n’oubliait pas. Elle tendit la main, effleura la longue tige au vert sombre de la plante, puis se redressa, fouilla dans sa besace de toile sombre et en sortit sa baguette magique. Elle marmonna une formule en effectuant un rapide mouvement du poignet, et la tige se sectionna, faisant glisser la fleur à terre. Aussitôt, Elena se jeta à genoux pour recueillir ce précieux butin, puis se releva à nouveau, enfouissant son visage dans la corolle parfumée. Reprenant sa marche, plus lentement cette fois, comme pour laisser aux quelques passants infortunés tout le loisir de contempler cette étrange créature qui tirait son oxygène d’une fleur immense, elle ne suivait pas vraiment de chemin, déambulait au hasard de son pas comme alangui.
Le regard perdu entre les couleurs vives de sa fleur, Elena n’observait pas autour d’elle. Elle n’était plus que deux yeux, pour les pétales, et deux narines, pour l’odeur. Son corps ne comptait plus. Heureusement, celui-ci pouvait aisément passer en mode automatique et continuer à cheminer sans que le cerveau de la jeune fille ne s’en préoccupe plus avant.
C’est ainsi qu’elle arriva dans un autre coin du parc, un endroit où elle allait rarement. Soudain, un parfum étranger vint se glisser sous celui de la fleur indigo qu’Elena avait glissé entre son pouce et son index droit. La danseuse, surprise, dut revenir à un état de conscience plus réel et redressa le menton de mauvaise grâce. A quelques pas d’elle se tenait un jeune homme adossé contre un arbre qui ne lui semblait pas être un inconnu. Elle s’arrêta net, contemplant sans véritable intérêt l’intrus. Il était penché sur une feuille blanche et dessinait, observant des oiseaux posés sur une branche. La Poufsouffle réprima un sourire. C’était un artiste. Penchant la tête de côté, elle remarqua enfin ce qui la dérangeait. Le jeune garçon avait les yeux vairons.
Son sourire devint radieux. Eru Lawliett, cinquième année, Serdaigle. Pourquoi ne avait-elle pas reconnu plus tôt le plus beau garçon de l’école ? Mais bien sûr, il était totalement impensable de lui adresser la parole, puisqu’il était ami avec une teigne, un Poufsouffle dont elle ne se rappelait même plus le nom. La jeune fille allait se décider à faire demi-tour, mais quelque chose lui intima de rester où elle était. Alors elle resta, respirant le parfum entêtant de sa fleur, contemplant ce jeune homme aux yeux étranges.